Coupé du reste du monde par l’absence de tout réseau téléphonique, et de repères urbains, on se sent bien vite perdu dans le village de Maewe ! Les rues sont faites de chemins de terres, les maisons de bambous, et l’éclairage du ciel étoilé. Le brouhaha incessant de la circulation des villes est ici remplacé par le bruit du torrent qui s’étend entre les maisons, auquel se joignent les chants d’innombrables insectes qui s’égosillent nuit et jour. C’est sans compter les cris des chiens, chats, coqs, poules et poussins qui pullulent le village ! Ici, les villageois s’activent aux aurores, les hommes partent couper du bois, les femmes tisser, coudre, puis remonter le bois, tandis que les enfants sont à l’école du village.
Le vrai visage de l’autre
C’est fou de voir que l’homme est capable d’échanger bien plus que ce que les mots permettent, en partageant simplement ce que le temps nous donne : des moments simples, de travail ou de détente, où il s’agit simplement d’être plus que de faire. Jusqu’à mon départ, mes notions en karen (langue locale) sont restées maigres. Jamais je n’ai vraiment pu échanger en profondeur avec les villageois. Malgré cela j’ai eu l’impression de les connaitre infiniment mieux que beaucoup de personnes dont je partage la langue.
J’allai tous les jours travailler avec les six couturières du village à l’atelier de couture Terre Karens. Je m’asseyais sans savoir quoi dire mais en essayant de les aider, de les écouter. Et petit à petit, la relation s’est tissée avec chacune d’elle, et les fous rires ont commencé à ponctuer le quotidien. Cette complicité est née du fait d’être avec elles, de partager quelque chose de leur vie, de les écouter et de se mettre à leur disposition Ce sont ces moments de joie qui m’ont porté tout au long de la mission.
Découverte d’une face de l’Eglise : la communauté
Si nous avions peu en commun, Karens et moi, nous partagions tout de même quelque chose d’essentiel : notre foi dans de le Christ.
Le village de Maewe s’est converti il y a une soixantaine d’années au catholicisme. La prière fait partie intégrante du quotidien de ce peuple : on bénit les champs avant de planter le riz et pendant la récolte, on prie régulièrement chez soi et avec ses voisins pour confier l’avenir.
J’ai été frappé de voir à quel point la dimension communautaire de la foi était présente chez ces chrétiens. Nous autres occidentaux, baignons dans une société plus individualiste, et logiquement notre foi s’en trouve plus personnelle. De leur côté, les Karens ont un mode de vie très communautaire et cela se reflète dans leur foi.
Même si je ne comprenais pas grand-chose aux offices, le fait de prier ensemble, avec le cœur, m’a véritablement porté tout au long de la mission, et j’ai compris l’importance de la vie de l’Eglise comme communauté.
Découverte des vertus du service
Il m’a semblé que le don de soi dans le service purifie notre être. En mission, on est plongé tout entier dans un « autre monde », et ce décalage renouvelle et aiguise notre regard. On n’a d’autre choix que de regarder la réalité en face. A la fois la réalité sur le monde qui nous entoure, et sur le fait que tout ne tourne pas autour de notre culture occidentale. Cela purifie donc des fausses idées que l’on peut se faire sur le monde et sur nous-mêmes. L’humilité qui en découle creuse en nous l’espace nécessaire pour accueillir la foi.
J’ai souvent été confronté au fait que le monde d’ici n’avançait pas au même rythme que celui d’où je venais, et il a fallu changer de lunettes, et se réaccorder à ce monde-là. Dans un même mouvement, nombre de fois en voulant me donner, j’ai été face à face avec mes forces et mes limites, et il a fallu reconnaitre les unes, et accepter les autres. C’est en les confiant à Dieu que j’ai trouvé la force d’accueillir et le monde, et moi-même.
Ce don dans le service purifie notre acte de charité en lui-même : souvent on a beau vouloir partir pour les autres, on part également un peu pour le « plus » que ça peut nous apporter, et donc pour recevoir. Et en mission, le quotidien est occasion de se donner dans une charité toujours moins égocentrée, et toujours plus gratuite.
Pendant ces quelques mois de mission je pense avoir découvert la richesse de la vie qui nous est donnée à tous. La mission m’a ouvert les yeux sur la beauté du monde, la profondeur des rencontres, l’importance de la foi vécue en Eglise et dans le service. Je pense que la vie doit être animée par la dynamique de la mission, ce don dans le service, qui ouvre le cœur et l’esprit à la beauté de notre prochain et de notre monde. C’est ce que dit si bien le Pape François en d’autres termes, « je suis toujours une mission ; tu es toujours une mission ; toute baptisée et tout baptisé est une mission. »
Briac, volontaire MEP