Chroniques birmanes

C’est à Bago, dans les anciens locaux d’un petit séminaire fondé par les MEP avant l’arrivée de la junte militaire, que j’ai été envoyée en mission. Il y a trois ans, une nouvelle école y a vu le jour : Shwe Hintha Education School, fondée par l’archidiocèse de Yangon. L’ambition qui anime le cardinal Charles Bo ainsi que Father Abraham, le directeur de l’école, est de doter le diocèse –et par la suite le pays–d’un système d’éducation reconnu et d’excellence.

En trois années, le projet a déjà bien pris forme : trois classes de maternelle, une classe de CP et, depuis la rentrée 2019, une classe de CE1. Les teachers appliquent la méthode Montessori qui repose sur l’apprentissage par l’expérience, un suivi individualisé et l’autodiscipline. Au cours de ces six mois, j’aurai été professeure de maths, de morale, d’arts plastiques, de musique, de théâtre, de danse classique mais aussi et surtout d’anglais. Je suis impressionnée par cette soif d’apprendre la langue de Shakespeare que je retrouve chez beaucoup de mes élèves. De quoi me pousser à être à la hauteur d’une telle motivation.

L’anglais est à leurs yeux l’outil indispensable pour poursuivre des études supérieures, avoir accès à de hauts postes ou partir à l’étranger. Être bilingue, c’est l’assurance d’être du côté de ceux qui pourront accompagner le mouvement d’ouverture du pays à la mondialisation.

« Le destin d’une société dépend toujours d’une minorité capable de créer », écrit l’historien Toynbee. Minoritaire, l’Église catholique l’est dans ce pays à très grande majorité bouddhiste. Et c’est dans une fidélité créatrice qu’elle s’engage aujourd’hui dans la reconstruction de la Birmanie en initiant ce mouvement de refonte de l’éducation, dont Shwe Hintha Education School est l’une des premières réalisations.

Bienveillance birmane

La bienveillance, ou « vouloir le bien » d’autrui si l’on reprend l’étymologie latine du terme : je crois que c’est l’enseignement que je retiens de ce volontariat. Elle s’exprime tout d’abord par la générosité de l’accueil. La culture de l’hospitalité est en effet très grande ici, comme j’ai pu le constater grâce aux fréquentes invitations des teachers dans leurs familles.

Cet accueil généreux, je l’ai aussi connu lorsque nous étions reçues par les familles bouddhistes des enfants de l’école, chez qui nous étions allées chanter des chants de l’Avent. Le carol singing est devenu une institution en Birmanie, mêlant chants anglais, espagnols et birmans ; un vrai mélange des traditions, dans un pays qui n’a pas la sienne propre. Quelle situation étrange que d’entamer O Holy Night devant un autel sur lequel trône une statuette du Bouddha illuminée de lumières rouges et bleues, mais quelle joie de partager ainsi la Bonne Nouvelle et recevoir en retour un accueil chaleureux.

La bienveillance s’exprime aussi par des marques d’attention et d’affection : affection spontanée des enfants si prompts à glisser leur petite main dans la mienne, débarquant le matin avec une fleur ou un dessin pour « Teacher Zabina », ou encore petites attentions de mes élèves connaissant mes goûts en matière de cuisine birmane arrivant en cours avec des mot lin ma yar, un délicieux snack local.

Les fruits de la mission

Seule à Bago ? Au contraire, c’est une vraie petite famille qui était là pour m’entourer et me manifester sa gratitude au moment des au revoir. Car j’ai eu la chance – la fin de ma mission coïncidant avec la dégradation de la situation sanitaire en France – de vivre pleinement ce temps, qui est un condensé de ce que la mission nous donne à vivre au quotidien. Les mots de Father Abraham résonnent encore à mes oreilles quand je repense à cette soirée : « Je ne dis pas au revoir mais merci. »

Les yeux encore emplis de l’image des teachers en tenue traditionnelle interprétant des danses birmanes lors de cette dernière soirée, je suis arrivée à Yangon, où j’ai brutalement réalisé combien la situation sanitaire devenait critique au niveau mondial, entraînant la fermeture des frontières de la Birmanie aux Français et l’annulation de la plupart des vols vers la France, dont le mien. Le voyage fut donc long avant de pouvoir poser le pied en France, dans un pays confiné qui me rappelle paradoxalement par certains aspects la Birmanie, du fait de l’impossibilité à faire des plans à l’avance… Cependant, le silence alentour et les visages familiers qui m’entourent me ramènent à mon cadre de vie hexagonal. Et en cette heure difficile, où veiller sur les autres revêt une importance vitale, je me dis qu’il est temps de mettre en pratique cette bienveillance birmane.

 

Sabine, volontaire MEP

extrait de la Revue MEP n° 560, juin 2020

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