C’est dans une petite ville de la banlieue saïgonnaise que j’ai été envoyée en mission.
Le centre, tenu par des frères et sœurs, accueille 80 enfants de familles défavorisées, orphelins, handicapés, enfants battus, parents emprisonnés ou d’une extrême pauvreté. Ils sont devenus ma famille : englobée dans leur cœur, comme si j’étais des leurs, avant même d’être arrivée…
A mes tâches de professeur, se sont ajoutées celles de baby-sitter, prof de maternelle, lave-vaisselle, épluche-légumes, miss serpillière, bref, une petite main à tout faire.
Mais je n’étais jamais seule dans ces rôles, ou jamais irremplaçable.
Si je n’avais pas été là, la vaisselle serait-elle restée sale jusqu’au lendemain ? Si je n’avais pas été là, les enfants se seraient-ils gardés tout seuls ? N’auraient-ils rien mangé pour cause de légumes non épluchés ? Aurait-on laissé la maison s’encrasser, les déchets s’entasser ? Non ! Bien sûr que non!
Je ne suis pas indispensable, et ma présence ici ne sauve pas leur vie.
C’est une réalité qui vous prend de court. Moi, mon idéal, ma volonté d’être utile, ne sont-ils que du vent ? un alibi pour justifier un an de vacances dans un pays exotique, une expérience qui ne profiterait qu’à moi ?
Oui, il faut en prendre conscience : je ne suis pas indispensable, et ma présence ici ne sauve pas leur vie.
Et c’est dans l’humilité de cette inutilité qu’opère l’alchimie. Car alors, tout devient grâce, tout devient cadeau : ma présence ici est une chance inouïe, on m’accepte moi, là, dans cette famille qui n’a besoin de personne. Comme le cœur de celui qui a tout, ne mérite rien et que pourtant l’on comble de dons, la gratitude vous envahit, les mots sont trop petits, et il ne vous reste plus que le service pour vivre ce MERCI.
Finalement, peut-être n’est-ce pas ce que je fais qui a de l’importance, mais ce que je suis… Ma façon d’être, ma façon de prier, ma manière de servir et ma manière d’aimer.
C’est de cela aussi dont ces enfants ont besoin : des témoins libres et heureux dans leur foi, des gens engagés qui savent poser des choix, qui veulent vivre pour les autres, qui en tirent leur joie.
C’est quand on se donne à fond que les cœurs s’ouvrent et que l’on vit les rencontres les plus belles… avec l’autre, le petit, le grand, l’ado paumé, le mendiant, le malade, l’isolé, et parfois même peut-être avec Quelqu’un qui commence par un grand D…
Alors oui, peut-être que ma présence ici est sans signifiance. Peut-être que je ne vois pas toujours les fruits que je produis. Mais ceci est sans importance. C’est dans la petitesse que le Seigneur agit.
Camille.