L’histoire de Hui Fen est intéressante, dans le sens où elle révèle quelques caractéristiques de la société taïwanaise. Elle est aussi assez poignante… C’est en travaillant avec elle au tri des déchets recyclables que j’en apprends davantage sur elle.
Au service de sa famille
Née d’un père chinois arrivé à Taïwan avec l’armée nationaliste de Tchang Kai Chek, Hui Fen s’est installée à Yuli pour veiller sur ses deux jeunes frères handicapés mentaux, qui sont à l’hôpital psychiatrique de Yuli depuis plus de 20 ans. La pension obtenue par le statut militaire particulier de son père lui permet de couvrir leurs frais de séjour et de soins à l’hôpital.
Elle a perdu sa grande sœur, décédée d’un cancer, et a un jeune frère qui est marié. Avant que ses parents ne décèdent, Hui Fen vivait auprès d’eux à Taoyuan, dans le nord de l’île. Sa mère avait tout juste de quoi vivre, et son père, suite à un AVC, avait besoin d’une aide dans la vie de tous les jours. À Taïwan, il est fréquent que les enfants prennent leurs parents en charge lorsque ces derniers perdent leur autonomie, à moins que leurs revenus ou la situation particulière des parents ne leur permettent de payer une maison de retraite médicalisée. Dans tous les cas, il est mal vu de négliger ses parents dans cette société où les ancêtres sont vénérés, et il est fréquent que ceux-ci soient accueillis par les enfants ou la belle-famille.
Hui Fen a un compagnon, qu’elle a rencontré au lycée il y a plus de 30 ans, mais ils ne sont pas mariés. Son compagnon vit à l’autre bout de l’île pour pouvoir s’occuper de ses parents. La famille impose donc de véritables sacrifices, allant même parfois jusqu’à la séparation des conjoints…
Vivre de l’espérance
Hui Fen me parle de sa spiritualité, de l’importance de la prière et de la force qu’elle lui apporte chaque jour dans cette vie faite de sacrifices pour la famille. Elle cultive une vie spirituelle intense, avec une heure de lecture des écritures sacrées suivie de méditation, chaque matin et chaque soir. Elle a la ferme intention de ne pas se laisser aller, et de mettre tout son cœur dans son travail au quotidien. Elle vit aussi de l’espérance, pour elle-même comme pour sa famille ayant déjà quitté ce monde. Ce n’est qu’en la questionnant un peu plus sur sa foi que je découvre que Hui Fen n’est pas chrétienne, mais bouddhiste. Elle s’est convertie après la mort de ses parents.
En arrivant à Yuli, elle a trouvé un lieu où chacun est accueilli sans distinction d’origine ni différence de traitement. Elle y a découvert une véritable mise en pratique des enseignements qu’elle ne connaissait que par la lecture des textes sacrés de sa religion, et fait l’expérience chaque jour de ce qu’est réellement l’Amour du prochain.
Bruno, Volontaire Mep à Taïwan