Épisode I – Arrivée au Népal et quarantaine
Avec Robin et Alban, deux autres volontaires avec qui je passe la quarantaine, nous montons dans un taxi pour notre guesthouse après nous être acquittés de l’inévitable et non officielle « pigment tax ». C’est notre baptême de la route, et nous comprenons assez rapidement pourquoi certains locaux, majoritairement des hindous, font leurs prières avant de monter dans les bus et les tuk-tuk.

Nous visitons Patan Durbar Square, place centrale de l’ancienne ville de Lalitpur où nous admirons de magnifiques temples dans le style architectural Newar, principalement construits sous la dynastie Malla. Nous nous rendons également au temple de Swayambhunath, un lieu de pèlerinage bouddhiste situé sur une colline à l’ouest de Katmandou, où nous pouvons observer des singes en liberté parmi les hommes.
Après le départ de mes compagnons pour le village de Tipling, leur lieu de mission, qu’ils atteindront après trois jours de bus et de marche, je suis accueilli trois jours chez la NJS (Nepalese Jesuit Society), une maison où vivent des prêtres jésuites qui s’occupent d’un orphelinat pour garçon, un orphelinat pour filles et un centre pour personnes handicapées mentales et physiques que j’ai eu l’occasion de visiter. La veille du départ, le père Yann Vagneux, prêtre MEP, normalement basé en Inde et spécialiste du dialogue interreligieux avec l’Hindouisme, me donne rendez-vous dans le vieux quartier de Patan. En me conduisant au Golden Temple, c’est une véritable immersion dans le bouddhisme Newar qu’il me propose.
Épisode II – Mes débuts sur le lieu de mission, trouver ma place
Si la nature est belle, l’humanité l’est aussi, et je suis accueilli à bras ouvert par la famille de Binod Uprety, voisine de l’école, qui m’invite tous les jours avec le directeur pour les repas, toujours du dal baht, servi avec des légumes locaux et parfois de la volaille. On ne manque de rien au village même si la rusticité est de mise. Dans cette famille, comme souvent au Népal, jeunes et vieux vivent ensemble. Leur sens de la communauté familiale est très fort. Ici vivent aussi les parents de Binod, son petit frère Habinash et sa femme Bimala, et les enfants des deux frères. Parler népali n’est pas exactement comme une seconde nature chez moi mais je me sens pourtant proche de ces habitants des collines dont la gentillesse simple sait si bien abolir la barrière de la langue.

Épisode III – Vacances scolaires, petit périple à travers les collines

Nous sommes une fois encore très chaleureusement accueillis. Grâce au beau temps, nous avons l’occasion de contempler une grande partie de la chaîne de l’Himalaya, et pour la première fois j’aperçois le toit du monde. Après deux nuits chez Nirmal, ce-dernier nous conduit chez son ami Amol, à un jour de marche de chez lui. Nous traversons la ville de Panauti, la ville médiévale la mieux conservée du Népal car elle n’a pas souffert du tremblement de terre de 2015 qui avait dévasté le pays. Après une halte onirique et désaltérante au sanctuaire Namobouddha, nous arrivons à destination.

Voilà comment nous nous sommes retrouvés au cœur des collines népalaises en nous laissant porter par la circonstance, sans établir de programme. Chez Amol le programme est complet et nous nous permet de découvrir des traditions propres au festival de Dashain : nous recevons sur le front le tika, cette pâte de couleur rouge faite de riz et de yahourt, nous pouvons voir des guirlandes de fleurs appelées mala qui ornent les motos, goûter l’eau revigorante d’une rivière en contrebas, et bien sûr nous essayer à la balançoire en bambous (ping). Nous nous baignons dans une rivière en contrebas après une descente raide au cours de laquelle nous croisons des villageois portant sur leur dos un grand panier rempli d’herbes pour le bétail. Impressionnant !
Épisode IV – Vitesse croisière
Voilà une quinzaine de jours maintenant que je suis de retour à Thokarpa après mon petit périple et que je goûte à la paisible vie du village. J’ai trouvé ma place ici et je commence à avoir des habitudes. Les journées se déroulent à peu près toujours de la même manière. Après la messe à 6h30 avec le father Lancy, je donne des cours de maths ou d’anglais aux les élèves des classes 4 et 5 (CM1 et CM2) en fin de matinée. Les élèves sont parfois un peu excités et indisciplinés mais en tous cas pleins de vie et de malice. Après les cours qui se terminent à 15h30, ils rentrent chez eux pour faire leurs devoirs et prendre une petite collation (souvent du riz pilé avec du lait et beaucoup de sucre). Puis ils reviennent à l’école pour leur moment préféré de la journée : celui du divertissement, des jeux de sociétés, et bien sûr de la classique partie de football qui se prolonge jusqu’au coucher de soleil et qui est devenue une véritable institution puisque des enfants et adolescents des villages environnants viennent parfois grossir les rangs des équipes endiablées.
Mais de temps à autre un événement vient enrichir cette petite routine. Témoin cette chasse aux abeilles à laquelle j’ai eu l’occasion de participer. Une famille voisine de l’école avait repéré un gros nid d’abeilles sauvages (aringal) juché en haut d’un arbre. À la nuit tombée, pour ne pas être vu et donc piqué par ces insectes, le petit commando dont je faisais partie s’est rendu sur place muni d’une très longue torche faite avec un bambou pour brûler le nid et ainsi récupérer le trésor protégé par ses gardiens ailés : les larves appelées maori. De retour au village, nous avons pu déguster ces véritables friandises de la jungle, pour reprendre le nom qu’ils donnent à cette végétation.
Hier, un autre festival a commencé, celui de Tihar, pendant lequel on allume de nombreuses bougies qui éclairent les maisons et on confectionne les mala, des guirlandes de fleurs. Après un dernier jour d’école où le directeur distribue des uniformes plus chauds pour l’hiver, les élèves sont de nouveau en vacances. Cette fois je reste au village pour découvrir les traditions des hindous, me rapprocher davantage des habitants et m’immerger plus en profondeur dans la culture népalaise. Les Uprety m’ont invité pour la cérémonie du bhai tika, durant laquelle les membres masculins de la famille sont mis à l’honneur et reçoivent le tika sur le front de la part de leurs sœurs. C’était une journée vraiment joyeuse pendant laquelle moi l’étranger je me suis senti accueilli et même adopté.
Conclusion – Comme un léger pincement au coeur
Après trois mois fantastiques de dépaysement, de découverte et d’amitiés au Népal, l’inévitable temps des adieux est arrivé. Aujourd’hui j’ai appris que je n’étais pas une brute. Dans la fraîche atmosphère matinale, caressé par une brise légère, je suis marqué par le calme sourd qui règne dans la cour de l’école, et profite plus intensément que d’habitude du spectacle grandiose que m’offre la nature.