Cela valait la peine de se battre

Vivre la Mission, c'est d'abord vivre, avec, comme dans chaque vie, des difficultés. Et savoir les surmonter pour découvrir ce qu'il y a de plus beau : une source de joie inépuisable !

Partir comme infirmière avec les MEP, c’est s’abandonner complètement à la volonté de Dieu et accepter les difficultés qui s’offrent à nous.

Voilà presque un an que ma mission en Malaisie a commencé. Elle touche maintenant à sa fin. Tellement de joies, de rencontres et de découvertes ont fait de cette expérience quelque chose d’incroyable. Bien sûr, le parcours n’a pas été sans embûches mais cela valait la peine de se battre. Lorsque l’on décide de partir avec les MEP, il faut s’attendre à tout et surtout à se surpasser. Cette décision, je l’ai mûrie et je m’y suis préparée.

La volonté profonde de servir

Il m’est difficile de me souvenir d’où m’est venue cette envie de partir en tant que volontaire. Avant même de trouver ma voie professionnelle, j’avais ce besoin au plus profond de moi, de partir à l’étranger pour consacrer du temps aux plus démunis.
À la fin du lycée, je ne me sentais pas prête pour cette expérience. J’avais d’abord besoin de trouver ma voie. Après des mois de recherche et de réflexion intense, c’est la révélation : je serai infirmière. Je suis partie faire mes trois années d’études à l’IFSI Paris Saint-Joseph. Pendant cette période, le volontariat restait ancré dans un coin de ma tête. Il m’a fallu une longue période et différentes étapes pour concrétiser cette idée. J’avais d’abord besoin de mieux me connaître. J’ai donc voulu tester ma capacité à vivre loin de mon confort.
En mars 2014, j’ai pris la direction de la Nouvelle-Calédonie où j’ai travaillé chez les Petites Sœurs des Pauvres en tant qu’infirmière, auprès des personnes âgées. J’ai énormément appris sur moi. J’ai pu repérer mes points faibles et forts dans les voyages, dans la vie loin de la métropole. La distance qui nous sépare de nos repères, et la différence de culture, obligent à une certaine adaptation. J’ai ensuite décidé de travailler mon anglais. Je suis donc partie neuf mois en Irlande en tant que jeune fille au pair. De retour en France, je me suis sentie enfin prête pour me lancer entièrement dans une expérience de volontariat. Il ne me restait qu’à trouver l’organisation qui m’aiderait à la concrétiser. Je connaissais les MEP par des amis qui étaient partis en mission.

C’est le père Radelet qui m’a décidée. Ce prêtre MEP à la retraite était l’un de mes patients à Nouméa. Nous avions beaucoup échangé sur sa vie, les missions… J’ai envoyé mon dossier fin février 2017. Après un coup de téléphone et quelques entretiens au siège des MEP, mon dossier était accepté. Il ne me restait donc qu’à participer à la semaine de formation d’avril. C’est au cours de cette semaine, forte en émotions et en rencontres, que l’info est tombée : je pars en Malaisie en tant qu’infirmière auprès de réfugiés birmans. J’accepte ma mission. Je n’aurais jamais imaginé que cela changerait ma vie à jamais. Le départ se fait dans l’excitation et l’appréhension. C’est parti ! Après quelques jours à Kuala Lumpur, me voila arrivée sur mon lieu de mission. Je me laisse le temps de découvrir petit à petit les choses à savoir. Ma mission principale : être infirmière auprès de réfugiés birmans. À l’intitulé, il était difficile de s’imaginer les conditions et le cadre de mission. Mon inquiétude face aux multiples différences a laissé place à l’admiration. Le doute s’est dissipé. Malgré la perte totale de repères, j’étais là où je devais être.

 

Ce petit village de Batu Arang allait être mon nouveau repère pour les douze prochains mois. Il se situe à une cinquantaine de kilomètres de Kuala Lumpur, la capitale. C’est dans ce coin tranquille que beaucoup d’organisations se sont installées. Parmi elles, A Call To Serve (ACTS) est l’association que je vais servir.
C’est à Peter Favre Refugee Convalescence Home (Perch) que j’ai la chance d’aider. Ce centre de convalescence est divisé en deux maisons. Perch 1 est le centre strictement réservé aux hommes et Perch 2 est réservé aux femmes et aux enfants. Pour ma part, je travaillais essentiellement à Perch 1, même s’il m’arrive d’aider dans l’autre maison pendant les weekends ou en cas d’urgence. Mes patients sont tous des réfugiés, majoritairement birmans, en convalescence ou en soins postopératoires. Ils vivent à Perch jusqu’à leur guérison. Ils ont quitté leur pays pour venir travailler en Malaisie. Certains ont dû migrer par sécurité. Malgré les tensions qui peuvent régner au Myanmar entres les différentes ethnies, dans le centre, cela ne se perçoit pas. C’est cela la force de Perch. Tous se soutiennent pour faire face dans ces moments difficiles. Mon rôle est d’apporter les soins infirmiers nécessaires à leur rétablissement. J’accompagne également les patients à leurs rendez-vous hospitaliers, je gère le stock de médicaments et de matériel, je participe aux activités quotidiennes pour le bon fonctionnement du centre… Mais pour cela, je ne suis pas seule.

Le travail de Perch 1 s’organise autour d’une belle équipe. La majorité du staff est constituée d’anciens patients, maintenant guéris, qui sont restés pour aider. Regina est là pour prendre soin de son mari qui a eu un anévrisme. Nordin est un malais qui donne son temps pour conduire les patients à leurs RDV dans les différents hôpitaux. Sumitra est une infirmière indienne, mariée à un malais. C’est mon binôme. Toutes ces personnes travaillent ensemble pour rendre la vie à PERCH la plus agréable possible. Les patients qui le peuvent sont aussi appelés à aider par de petits actes au quotidien, comme faire la vaisselle, plier le linge, entretenir le potager…

Une source de joie inépuisable

La joie, je la perçois partout. Dans les petits actes de la vie comme dans les grand événements. Même dans les jours les plus difficiles, il m’est possible de retrouver la pêche par une simple conversation, un sourire. J’y suis bien. Ce centre est pour moi un lieu de bien-être. Chaque jour m’offre des joies qui me donnent l’envie de revenir le lendemain. Cette joie, elle n’existerait pas sans les personnes qui m’entourent : les patients, le staff, les autres volontaires. Bien sûr, il y a la joie de donner, de voir un sourire apparaître sur un visage. Mais la joie que l’on reçoit nous apporte tellement. Ces personnes ne savent pas l’impact qu’ils ont sur nous. Elles n’ont rien et nous donnent tout. Ils font de notre mission une période marquante de notre vie. Le simple fait de partager leur culture et leur vie, de voir les patients aller mieux, de les voir s’entraider malgré les tensions dans leur pays, de les voir rire quand j’essaye de parler Malais ou Myanmar… Tout cela m’apporte tellement. Je me rappelle d’une conversation que j’ai eue avec un de mes patients musulmans. Il avait beaucoup de questions sur ma religion, comment je la vivais… J’ai adoré prendre du temps pour parler de ma foi et écouter ce qu’il voulait me dire de la sienne.

Un parcours avec des embûches

Nous devons aussi faire face à quelques imprévus : de nouveaux patients sans aucun papier, un manque de moyens, des annonces difficiles… Leur statut de réfugié ne facilite pas leur accès aux soins. À l’hôpital, leur prise en charge est bâclée et leur suivi minime car, ici, on ne connaît pas le serment d’Hippocrate. C’est révoltant, certes, mais on doit s’y faire. Nous devons régulièrement batailler avec les médecins pour avoir des soins de bonne qualité, ce qui rend la guérison encore plus savoureuse.

Une de mes premières difficultés a été de me détacher ce que j’avais appris pendant mes études. Il ne s’agissait pas d’oublier mais seulement d’adapter au contexte. Ici, les médicaments ne sont pas les mêmes, il n’y a pas de transmissions écrites ou d’appel au médecin pour une demande de prescription. On fait face à des pathologies qu’on ne voit pas en France et des prises en charge qui nous paraissent improbables. Cela peut déstabiliser au début mais une fois acclimatés, nous sommes prêts à affronter tout ce qui nous arrive. Il faut aussi s’adapter au pays, à sa culture et à son climat. La Malaisie est un pays très mixte. On peut y croiser trois types de personnes : les Malais, les Indiens et les Chinois. Ce qui veut dire aussi trois types de nourriture, même si la base des plats reste le riz. Dans ce domaine, le piment a été ma limite. La Malaisie est pays majoritairement musulman mais les chrétiens, les bouddhistes, les hindous y pratiquent leur religion très librement. Autre difficulté : le climat, qui a été difficile à apprécier au début. L’humidité rend la chaleur insoutenable. Pour le langage, j’ai la chance d’être tombée dans un pays où la majorité de la population parle anglais. Mais mes patients, eux, n’en parlant pas un mot, il a donc quand même fallu que je me mette un minimum au Malais. Mais, avec le temps, on se rend compte que la question de la langue ne nous empêche pas de partager de bons moments tous ensemble.

À la fin de la mission, le plus dur à gérer, pour moi, c’est la fatigue. Je veux profiter des derniers moments avec toutes les personnes qui m’ont entourée pendant cette année. On se donne tellement à fond qu’il est difficile de faire la part des choses, de prendre du temps pour soi. Bien sûr, au cours de l’année, il y a eu des moments de doute, de blues, mais cela n’a jamais duré vraiment très longtemps. Et si jamais, on souhaitait en parler, les autres volontaires étaient là. Pendant les week-ends de repos, nous avions parfois besoin de nous retrouver pour nous changer les idées.

Une expérience à tenter

Cette année m’aura définitivement fait grandir. Je me suis découverte sous un autre jour. J’ai appris à apprécier les choses simples de la vie. Je me suis surpassée et je ne regrette en rien le choix que j’ai fait de partir avec les MEP. Si je devais conseiller les jeunes qui se questionnent ou qui hésitent : lancez-vous ! On n’en ressort que plus grand. Si jamais l’envie vous trotte dans la tête, il ne faut pas hésiter à vous renseigner, à en parler autour de vous.

Ingrid, volontaire MEP

Article paru dans la Revue MEP n°541 de Septembre 2018

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