Pourquoi ne sommes-nous pas encore au ciel alors que nous avons des ailes comme l’indiquent ces salutations d’un autre temps ? J’étais un petit oiseau se dorant au soleil marseillais, puis j’ai décidé de partir dans un grand oiseau de fer vers Madagascar, un autre ciel, le même soleil. On ne sait pas voler parce qu’on a des ailes ; il faut apprendre à s’en servir.
Le nid étudiant était pourtant rêvé, de belles amitiés, des randonnées dans les Calanques, des baignades et du pastis. L’oiseau était heureux, entrainé sans grand effort vers la vie professionnelle. Comment est-il possible dans ce flux, de se poser, réfléchir ? Qui suis-je ? Où suis-je appelé à me donner avec la plus grande joie ? Que faire de ma vie ? Pour quoi ? Pour qui ? Avec qui ?
Tant de belles questions qui dans ce nid étaient en éveil. Ici à Madagascar, à Majunga, grande ville côtière du Nord-Ouest de l’île, la chaleur a commencé à craqueler la coquille. Je volette, porté par un grand vent de prière d’amis, de famille, de frères et prêtres. Le premier fruit que le petit oiseau a rencontré sur sa route, c’est la gratitude. J’ai vraiment réalisé la chance que j’avais, d’être aimé, entouré d’une famille catholique, d’avoir grandi dans ce beau pays qu’est la France, d’avoir étudié et de ne pas être dans le besoin. C’est ressorti un peu violemment parfois avec les rencontres que j’ai faites dans la rue, à la sortie de la messe. Des gens qui dès l’enfance doivent travailler, ont perdu leurs parents ou ont été abandonnés, vivent très simplement avec du riz matin, midi et soir. Pourtant on sent la joie en eux. De grandes inégalités, une pauvre hutte de bois à côté d’une riche résidence ceinte par des murs barbelés.
Un deuxième fruit qui en découle, l’impuissance et l’humilité. Face à tout cela, que puis-je faire ? Pas grand-chose, juste sourire, écouter et prier. Je visitais une famille, une mère que son mari avait abandonné avec sept enfants, entassés dans une petite maison. Je suis entré, ils m’ont offert de l’eau et je suis reparti une quinzaine de minutes après. Je n’ai rien changé à leur vie, complète impuissance, accueil, et retour dans la rue. Le vent souffle mais on ne connait pas sa direction à l’avance, il faut se laisser porter là où la Providence veut nous emmener. C’est tout un apprentissage bien loin d’être fini, le petit oiseau s’épuise s’il avance contre le vent : la volonté de Dieu, quelle est Sa volonté ?
J’essaie de croquer le troisième fruit qui est l’abandon. Dire comme Charles de Foucauld « Mon Père, mon Père, je m’abandonne à toi », pas facile. Le faire, encore moins ! Surtout dans la société française qui en ce moment essaie de faire disparaître Dieu. Dieu est une évidence à Madagascar. Vivre pleinement sa journée en accueillant les modifications de dernières minutes avec joie, les contrariétés, les incompréhensions mais aussi heureusement les bonnes surprises et les clins Dieu. J’allais simplement remettre un bout de Mölkky fabriqué pour Noël à une sœur et cette simple visite se transforme en discussion de deux heures, autours d’une mangue délicieuse et de sablés.
Le petit oiseau trouve aussi une vraie nourriture dans la prière. Quelle grâce de commencer la journée par les laudes, puis l’oraison et enfin la messe et de la terminer par des vêpres et un chapelet. La communauté salésienne est comme une famille pour moi, si accueillante et généreuse. D’autres fruits insoupçonnés sont sûrement à venir. Je les attends avec confiance dans la joie. Le petit oiseau continue de voler, cap sur Jésus, c’est sûr c’est le bon chemin. Il s’allège des fardeaux inutiles pour mieux accueillir ce bon Jésus. Ce dessin est d’une bonne amie, Marie, dans un mon coin prière. C’est peut-être pour ça que je suis parti sur l’image de l’oiseau. J’ai toujours beaucoup aimé les oiseaux, petits êtres chantants, joyeux, libres comme l’air. Dans Histoire d’une âme, la petit Thérèse prend aussi l’image d’un oiseau qui traverse confiant le ciel, tempêtes et nuages, vers Jésus.
Guillaume, volontaire MEP.
article issu de la Revue MEP Mars 2020 n°558