Derrière les cerisiers en fleurs

François est le premier volontaire envoyé au Japon depuis plusieurs années. Découvrez son regard sur sa mission dans cet article extrait de la Revue MEP du mois de novembre 2019.

Lentement mais sûrement, je me laisse transformer par cette mission où chaque jour j’en découvre un peu plus sur le Japon, sur l’Eglise, et sur moi-même.

Ce désir de partir, je l’ai fait grandir en moi pendant environ quatre ans. Après des études de comptabilité et une année de travail dans un cabinet d’audit financier, où j’avais du mal à trouver ma place,  je me suis enfin lancé dans l’aventure.  Je voulais me dépasser, sortir de ma zone de confort, tout en faisant quelque chose en lien avec mes valeurs. Les MEP m’offrent pour cela le cadre idéal.

Le Japon c’est le pays de  l’harmonie. Ça se retrouve dans leur jardin où la nature est domptée comme dans nos jardins à la française mais où les angles sont arrondis. Il n’y a pas d’angles dans les jardins japonais, doux jeux de courbes qui s’enlacent au son de la mélodie des rivières qui les traversent. Nous retrouvons cet esprit dans les relations humaines où l’on prend le temps d’écouter l’autre et surtout de ne pas le froisser même si nous ne sommes pas d’accord. C’est une limite à ce système qui crée de nombreux non-dits. C’est peut-être un point sur lequel les Japonais auraient à apprendre de nous, les Français, râleurs que nous sommes.

Mes activités me permettent de mieux découvrir ce pays. Trois jours par semaine je travaille dans une centre (Akatsuki No Mura : le village de l’aube) pour personnes atteintes de maladie psychique et de handicap mental. Il a été créé à la base par un prêtre japonais pour accueillir les boat people vietnamiens fuyant le communisme. L’objectif était de les aider à s’intégrer dans la société japonaise. Les derniers résidants ayant développé des troubles psychiques n’y sont jamais parvenus. Le centre s’est alors reconverti, en accueillant des Japonais atteints de ce genre de maladie.

Aujourd’hui il ne reste plus que trois Vietnamiens sur les neuf patients. Pour assurer son financement et occuper les personnes, Akatsuki No Mura a développé des activités auxquelles je participe : démontage d’ordinateurs pour ensuite vendre les composants à des entreprises de recyclage, assemblage de connectique pour l’industrie automobile, récupération de meubles, de vêtements, de livres, de vaisselle pour les brocantes, jardin potager luxuriant dont le surplus est revendu. Je travaille essentiellement avec l’homme à tout faire du centre. Nous nous efforçons d’essayer de ranger les objets qui s’entassent depuis des années dans la cour.

Un autre visage de Tokyo

Une fois par semaine je travaille dans l’atelier avec les personnes accueillies. Je me surprends à nouer des relations avec eux, même si les conversations tournent autour des mêmes sujets. L’autre jour l’un des patients m’a invité à faire un bras de fer que j’ai perdu avec brio. J’ai appris juste après que c’est un passionné de combat de sumo. Et qu’il ne fait pas que regarder (si j’ai bien compris). Je n’avais pas beaucoup de chances de le battre.

Je vais aussi voir de temps en temps un groupe de jeune Japonais chrétiens : la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) qui fêtait s’est 70 ans de présence au Japon en Avril. C’est un prêtre MEP qui s’en occupe, le Père Pierre Perrard. J’aime y aller, c’est sympa et intéressant. J’ai organisé une rencontre avec les jeunes francophones du groupe Mouvement des Cadres Chrétiens. Mon idée était de montrer que malgré les différences culturelles, nous partagions des points communs. En effet nous avons la même foi et nous pouvons aussi être confronté aux mêmes difficultés dans notre foi, dans notre travail, dans notre vie de tous les jours. Ce fût un bon moment d’échange.

Pendant mon temps libre j’essaye d’aller aider les Missionnaires de la Charité à préparer et à distribuer des Bentô (repas japonais en barquette) aux sans-abris de Tokyo. Chaque samedi environ 300 repas sont préparés. Mais c’est un visage de Tokyo que les touristes ne voient pas. Les sans-abris japonais ne mendient pas. Ils essayent de survivre en ramassant des canettes pour revendre l’aluminium. Il est donc rare de voir des sans-abris et pourtant ils sont bien présents.

Non renouvellement de visa

Je participe également, avec la communauté francophone, aux visites de prisonniers dans centre de détention pour les personnes en attente de régularisation de leur visa. Il s’agit de personnes venant de pays pauvres, arrivées légalement au Japon. Mais, pour des raisons administratives elles se retrouvent enfermées. Le cas le plus absurde est celui d’une femme africaine, mère de famille, vivant au Japon depuis un vingtaine d’année, mais n’ayant pas renouvelé son visa dans les délais. Elle s’est retrouvée enfermée après avoir entamé des démarches pour régulariser sa situation. Voilà maintenant plus d’un an qu’elle est dans ce centre, sans savoir quand elle va en sortir. Elle se fait du soucis pour ses enfants livrés à eux-mêmes, leur père travaillant toute la journée. C’est aussi l’une des réalités qui se cache derrière les jardins japonais et les cerisiers en fleurs, une réalité invisible aux yeux des touristes mais bien présente.

François, volontaire MEP

extrait de la Revue MEP n°554 – novembre 2019

 

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