Une étincelle pour ranimer les flammes

Louis a été envoyé en mission en Birmanie, dans ce que l'on appelle communément les Chins Hills, dans les traces des premiers missionnaires.

Comment suis-je parti en mission de volontariat avec les MEP ? Bac scientifique, école de commerce, contrôle de gestion puis banque… que d’originalité ! C’est justement la monotonie de ce parcours classique qui m’a enlisé dans une routine qui ne me convenait pas. La soif d’aventure qui sommeillait en moi s’est brusquement réveillée. D’un point de vue spirituel, on peut dire que j’avais une foi routinière : messe dominicale, une petite prière le soir quand j’y pensais et surtout quand j’avais besoin de demander quelque chose au Bon Dieu. J’avais besoin d’une décharge, d’un choc pour ranimer la flamme. Il ne suffirait pas d’une étincelle… La Providence m’a amené à discuter avec un ami qui lui-même était parti avec les MEP quelques années auparavant. Et, d’un coup, la réponse que je cherchais est apparue comme une évidence. Quelques mois plus tard, me voilà arrivé en Birmanie. C’est un pays magnifique, qui a été conservé « dans son jus » pendant 50 ans par la junte militaire. Le pays s’ouvre progressivement à l’international depuis 2011, en particulier depuis la fin, en 2012, de l’embargo imposé par l’Union européenne et les États-Unis dans les années 90. Le tourisme se développe très rapidement, mais le pays a été préservé de la mondialisation et a conservé une vie emprunte de coutumes traditionnelles, à commencer par le port massif du longyi (prononcer « longue dji »), sorte de jupe longue portée par la grande majorité des Birmans (et des volontaires). La Birmanie est composée de quatorze divisions : sept régions (l’ethnie birmane) et sept États (les autres ethnies de Birmanie), parmi lesquels l’État Chin où j’ai passé un an de volontariat.

La culture chin

Selon certains spécialistes, les Chins seraient descendus il y a plusieurs siècles de Mongolie et du Tibet jusque dans la plaine birmane, d’où ils se sont fait chasser, puis se sont réfugiés dans les montagnes où ils sont encore de nos jours. La culture chin est construite autour des pratiques animistes. J’ai eu la chance de lire les mémoires du Père Marc Jordan, l’un des premiers missionnaires MEP qui arriva en Birmanie en 1934, puis dans les Chin Hills en 1948. Il y décrit la culture animiste des Chins dans les moindres détails, c’est un vrai trésor ! L’arrivée des MEP et la conversion massive des habitants au christianisme a conduit les Chins à abandonner un certain nombre de pratiques et de croyances incompatibles avec le message de l’Évangile. Le cœur de la culture chin, c’est la convivialité. J’ai été subjugué par leur gentillesse, leur générosité, leur hospitalité. Même ceux qui n’ont rien donnent tout. C’est parfois difficile d’avoir l’humilité d’accepter ce que l’on nous offre. Notre vieil occident où l’individualisme se développe comme de la chienlit a beaucoup à apprendre de la simplicité et de la générosité des Chins.

Ce qui m’a le plus marqué, c’est la piété et la foi ardentes des catholiques. C’est incroyable de voir une Église aussi jeune et dynamique ! Comme je le disais précédemment, le premier missionnaire est arrivé à Mindat, dans le sud des Chin Hills, en 1934. L’un des deux premiers prêtres chins convertis par les missionnaires est encore en vie ! Après une adaptation sanitaire et linguistique difficile, les efforts des Pères Audrain et Fournel ont porté leurs fruits et les premiers baptêmes ont eu lieu quelques années après ! Les missionnaires ont construit à leur arrivée un hôpital et des écoles.

Dans la culture animiste, tout est régi par les esprits, y compris la maladie. Il fallait donc faire des sacrifices d’animaux et des offrandes pour se guérir, sans grands résultats. L’arrivée de la médecine et de la science en général leur a donc donné de la crédibilité. Ils ont ainsi gagné la confiance des habitants et commencé à enseigner le catéchisme. L’animisme disparaît petit à petit au profit du christianisme et du bouddhisme, arrivé pendant la junte. Aujourd’hui, on peut dire qu’environ 50 % des habitants de Mindat sont bouddhistes, et 50 % sont chrétiens (protestants et catholiques). Il y a beaucoup plus de catholiques dans le sud des Chin Hills que dans le nord, où les baptistes américains sont très présents. En 1966, la junte a expulsé les missionnaires arrivés après la guerre. Cela marque ainsi la fin de la présence des MEP dans l’État Chin. Mais l’œuvre du Seigneur a porté ses fruits et l’Église locale a perduré : le diocèse de Hakha (capitale de l’État Chin) compte aujourd’hui près de 80 prêtres !

La joie de la mission

Soixante ans plus tard, me voilà à Mindat. Quel choc ! Moi qui voulais être dépaysé, assoiffé d’aventures, me voilà servi. C’est le curé de Mindat, le Père Joseph Se Thang qui, ayant passé huit ans en France pour ses études, connaît bien les MEP et leur a demandé de recevoir un volontaire.

Ma mission principale était donc de donner des cours d’anglais et d’informatique aux jeunes qui ont passé le matriculation exam, l’équivalent du bac en Birmanie. Le système éducatif birman est très mal agencé, de sorte que l’inscription aux universités se fait pendant cet examen. Les élèves, n’ayant évidemment pas encore les résultats, ne peuvent pas s’inscrire et sont tenus d’attendre un an avant de pouvoir commencer d’éventuelles études supérieures. De plus, beaucoup s’inscrivent à l’université à dis – tance qui ne dispense qu’un ou deux mois de cours dans l’année. Les jeunes sont livrés à eux-mêmes et ont donc beaucoup de temps libre. C’est pourquoi le Père Joseph a jugé bon de leur enseigner l’anglais et l’informatique, afin de les préparer aux nouveaux métiers et au tourisme qui se développent avec le pays. D’un naturel impatient, ce fut un excellent exercice pour moi que d’enseigner ! Les étudiants apprennent des phrases par cœur à l’école, mais n’apprennent jamais à les utiliser, ni ne les comprennent vraiment d’ailleurs. Même les professeurs d’anglais des écoles gouvernementales parlent à peine anglais… et il y a des fautes dans les manuels ! Sans compter qu’ils parlent tous déjà deux langues : un dialecte chin (« k’cho » à Mindat) qui est leur langue maternelle et le birman parlé à l’école et langue officielle. Mais la plupart rêvent de savoir parler anglais, une fois la barrière de la timidité franchie. Films américains, tourisme, envie de voyage, les sources d’inspirations ne manquent pas.

Je vivais dans le centre pastoral de la paroisse avec deux autres prêtres et deux Frères de la communauté des Petits Frères de Saint François Xavier, communauté locale très présente en Birmanie, notamment dans l’éducation et la gestion des internats de garçons. Nous avions donc un internat de 45 garçons, géré par les deux Frères, et j’enseignais l’anglais de temps en temps à ces jeunes. Mais nos moments préférés étaient le soir après l’école : un soir sur deux c’était travaux ou football. Ainsi nous passions beaucoup de temps ensemble et ces moments informels leur permettaient de me poser des questions en dépassant plus facilement leur timidité que sur les bancs de l’étude. Là était à mon sens le cœur de ma mission. Passer du temps avec ces jeunes était fantastique et j’ai trouvé là la fameuse « joie de la mission » dont on nous avait tant parlé. Des moments intenses, inexplicables, subjugants.

L’autre aspect de ma mission était d’assister le Père Joseph, véritable entrepreneur, dans ses divers projets. Nous avons construit des murs de pierres et de briques pour prévenir les glissements de terrain lors de la saison des pluies, récolté du millet, renfloué les stocks de bois, visité différents villages aux alentours, coupé des plantes grasses pour nourrir nos porcs, planté d’autres pour nourrir les mithuns (race de vaches locale).

Une mission très complète et une expérience inoubliable. J’ai reçu le choc que je cherchais, l’étincelle quia ravivé la flamme. Si je peux donner un conseil aux jeunes qui s’interrogent sur le volontariat, surtout cessez d’hésiter ! Si vous vous posez la question, c’est que la réponse est déjà enfouie quelque part en vous, prête à sortir ! « Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure », disait le Christ à ses disciples. Eh bien c’est peut-être le moment pour vous de répondre à l’appel du Seigneur

Louis, volontaire MEP

extrait de la Revue MEP n° 560, juin 2020

 

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