Viens, sois ma lumière : un an auprès de ceux qu’on ne voit pas

 

Pendant un an Marjolaine, volontaire MEP a travaillé notamment à la réinsertion sociale de prisonniers en leur apprenant l’art de la maroquinerie. 

C’est à Port-Bergé, ville d’environ 40 000 habitants, que je suis envoyée en septembre 2024, pour un an de volontariat de solidarité internationale (VSI). Lorsque les MEP m’annoncent la mission, je l’embrasse avec entrain, mais non sans appréhension : principalement de la réinsertion sociale en milieu carcéral masculin au sein d’un atelier de maroquinerie, et animation auprès d’enfants polyhandicapés.

La mission démarre au moment de l’accepter, car je dois me replonger dans le métier de maroquinière que j’ai arrêté d’exercer il y a six ans. Confiance et abandon deviennent les maîtres-mots de cette année à Madagascar. J’intègre le milieu carcéral grâce au père Gérard, curé de la paroisse de la Divine Miséricorde, qui chapeaute la présence de l’Église catholique en prison et qui m’apprend à suivre les protocoles sociaux, les Malgaches étant très généreux, mais longs à accorder leur confiance à un étranger.

 

Un atelier ouvert en 2022 par un père MEP

La prison accueille environ trois cents détenus, dont une dizaine de mineurs, et une quinzaine de femmes. Les conditions sont précaires, voire insalubres. La promiscuité règne. Et l’organisation quotidienne est un savant mélange entre l’obéissance militaire des personnes détenues et la décontraction déconcertante de certains gardiens.

Marjolaine, volontaire MEP dans atelier de maroquinerie d’une prison à Port Berger, Madagascar

L’atelier existe depuis 2022 et a été créé par le père Gabriel, MEP, et par un ancien volontaire. Ce programme de réinsertion vise des détenus volontaires pour y participer, et qui ont des peines longues. Les participants ont entre 25 et 44 ans et leurs condamnations vont jusqu’à la perpétuité. L’atelier a lieu cinq matinées par semaine dans la calme chapelle de la prison : c’est un lieu de respiration, pour chacun, au milieu du brouhaha incessant. Il me plaît de travailler dans cet environnement spartiate, sous une fresque représentant la Sainte Famille et l’Esprit saint. Nous sommes sous bonne garde.

L’Église catholique est la principale institution à œuvrer au sein de la prison de Port-Bergé et la mission consiste autant à apporter mes connaissances techniques qu’à maintenir le lien humain. Le père Gérard vient régulièrement informer les garçons des nouvelles nationales et agit sur différents aspects de la vie quotidienne, dans laquelle la moindre nouveauté est un grand événement.

Nous produisons donc artisanalement des ceintures, des portefeuilles et des porte-clefs que l’on peut se procurer auprès de l’association Écoles de Madagascar. Les recettes des ventes générées servent entre autres à l’Aumônerie catholique des prisons locales. Nous réfléchissons en équipe à comment bien dépenser ce budget afin qu’il soit utile à tous : achat de riz pour compléter les 500 g quotidiens fournis par l’administration pénitentiaire, distribution de savons, ou encore renouvellement du ballon de foot pour les tournois du mardi. Le reste des recettes est réparti entre l’achat de matériel (l’atelier s’autofinance) et la rémunération des artisans. Ce pécule permet d’améliorer le quotidien, ou d’aider leur famille, malgré l’incarcération. C’est la dignité qui s’en trouve ragaillardie.

J’ai passé ces neuf derniers mois à tisser des liens fraternels avec les détenus, à leur faire exploiter leur potentiel créatif, tout autant qu’à les recentrer sur leur capacité à faire du beau, à leur montrer que leur travail a de la valeur. Eux aussi m’apprennent beaucoup : c’est grâce à nos mimes et fous rires quotidiens que j’apprends le dialecte régional tsimihety.

Nous ne partageons même pas la même religion – l’un est protestant et les autres sont musulmans –, mais avons des âges similaires et des parcours de vie qui, étonnement, se croisent aujourd’hui. Le respect qui s’est instauré entre nous est des plus précieux, et je n’aurais pas su parier sur cette petite bulle d’humanité et de confiance mutuelle il y a neuf mois.

 

Création d’un autre atelier à Mandritsara

« La mission est passionnante et il faut saisir les opportunités quand il y en a ! » C’est ce que dit le père Gabriel lors d’un appel en janvier, me proposant d’ouvrir un atelier à la prison de Mandritsara. Ni une, ni deux, je me procure le matériel, grâce à la quête du mercredi des Cendres de la chapelle de L’Épiphanie, et je pars pour quelque dix-huit heures de taxi-brousse en direction de cette nouvelle aventure. Les conditions sont pires : deux fois plus de détenus pour la même surface que Port- Bergé, une d’hygiène inexistante, mais une aumônerie de prison très active, surtout pour l’alimentation des plus pauvres et malades.

Je reste quelques semaines auprès des détenus et les forme avec des membres de l’aumônerie pour que le projet perdure sous la direction de locaux. Les volontaires ne sont pas éternels, et la transmission aux Malgaches est essentielle à la pérennité du projet. Les détenus sont touchants. Et j’ai l’image bien gravée de leur joie quand je les oblige à se laver les mains en arrivant à l’atelier.

La mission n’est heureusement jamais vraiment finie, et je me réjouis déjà des trois prochains mois pendant lesquels nous allons consolider ce lien de fraternité et d’espérance.

 

extrait de la Revue MEP n° 616, juillet-août 2025

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