Homélie du Père Vincent Sénéchal, vicaire général des Missions Etrangères, pour la messe d’envoi en mission des volontaires MEP.
Chers frères et sœurs,
Les textes de la liturgie de ce matin nous parlent de chemin, de libération, de joie. Dans la première lecture, tirée du livre du prophète Jérémie, le Seigneur évoque la fin de l’exil de son peuple Israël à Babylone :
Voici que je les fais revenir du pays du nord (comprendre : Babylone),
que je les rassemble des confins de la terre ;
parmi eux, tous ensemble, l’aveugle et le boiteux,
la femme enceinte et la jeune accouchée :
c’est une grande assemblée qui revient. […]
Je les mène, je les conduis vers les cours d’eau
par un droit chemin où ils ne trébucheront pas.
Car je suis un père pour Israël.
Notons déjà que le Seigneur libère tout son peuple, y compris les plus fragiles qui sont ici listés : l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée.
Et dans cette même première lecture, c’est un appel à la joie et à la louange qui retentit, en action de grâce pour cette libération d’Israël :
Poussez des cris de joie […],
acclamez […]
Faites résonner vos louanges […] :
« Seigneur, [tu] sauve[s] ton peuple,
le reste d’Israël ! »
Cette joie du salut, c’est celle que nous avons entendu ensuite dans le psaume de la montée en pèlerinage à Jérusalem qui a été psalmodié tout à l’heure. Avec ce psaume, on peut s’imaginer, presque physiquement, cheminant nous-mêmes avec ces captifs qui reviennent d’exil et montent avec grande joie vers la ville sainte :
Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, (dit le psaume)
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.
Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !
Ces textes de la première lecture et du psaume n’ont évidemment pas été choisis par hasard pour ce dimanche. Ils font écho, dans l’Ancien Testament, à une expérience de libération, de cheminement et de joie que l’on retrouve dans l’évangile.
Au bord du chemin : un aveugle nommé Bartimée. Sur la route, une foule nombreuse, qui chemine avec Jésus. Savent-ils où ils vont, tous ces gens ? Sans doute pas vraiment. Ce qui leur importe, c’est d’être avec Jésus. Ils ont fait l’expérience du salut, l’expérience de la libération et de la joie au contact du Fils de David. Un peu plus tôt, dans la même petite ville de Jéricho, un homme de petite taille, Zachée, avait un grand désir de voir Jésus. Peut-être est-il maintenant dans la foule ? Où va-t-elle, cette foule qui suit le Christ ? Le savent-ils vraiment ? Jésus leur a bien annoncé qu’il montait vers Jérusalem. Ils le suivent, confiants. Joyeux. À travers lui, ils le savent, Dieu s’occupe d’eux. Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur. C’est aussi notre expérience. Comment ne pas le louer ? Comment ne pas te louer, Seigneur, qui es venu à nous en Jésus ?
Partir en mission, en volontariat, c’est se mettre en mouvement à la suite de Jésus, s’insérer dans cette joyeuse procession des sauvés. C’est accepter de faire un pèlerinage à sa suite. Comme Abraham, on quitte sa maison, sa famille et on va vers le pays que Dieu nous donne.
En regardant de plus près cet évangile, chers volontaires, je voudrais faire ressortir trois points qui pourront vous aider dans votre volontariat.
D’abord, le premier point : dans ce pèlerinage du volontariat, ce sera de marcher les yeux fixés sur Jésus. Il est important d’avoir toujours à l’esprit que le premier missionnaire, c’est lui, le Christ, ce n’est pas nous. Jeunes volontaires ou missionnaires ad vitam, c’est lui que nous suivons en prenant le chemin de l’Asie ou de l’océan Indien. C’est à sa suite que nous cheminons. C’est lui qui ouvre la voie. Nous, nous l’accompagnons et lui Jésus guide la marche dans notre mission. Peut-être que nous ne savons pas vraiment où cela va nous mener, comme la foule. Dans votre volontariat, il faudra accepter de vous laisser surprendre. Mais surtout de vous laisser guider par lui, s’attacher à lui dans la prière quotidienne. Lui remettre chaque journée. Lui remettre vos rencontres. Lui demander sa lumière sur les dialogues que vous pourrez avoir, les initiatives que vous pourrez prendre. Mettez le Christ en tête de votre marche.
Deuxièmement, le point suivant qui ressort de la méditation de cet évangile, sera de régler votre pas à celui de la foule. En partant dans cette aventure du volontariat, il ne faut jamais oublier que vous rejoignez une foule déjà en marche. Dans votre pays de mission, il y a déjà des disciples du Christ en chemin, des chrétiens locaux et des missionnaires. Vous marcherez avec eux. A leur contact, vous apprendrez d’eux comment ils regardent et admirent celui qui est notre maître commun. Vous marcherez à leur pas, vous vous adapterez à leur rythme. Ce ne sera pas à vous, dernier(e) arrivé(e), de vouloir imposer la manière de suivre Jésus ou la façon de travailler. Vous rejoindrez une foule déjà en marche. Ils attendent de vous un compagnonnage et un soutien, un dialogue, une amitié, mais pas que vous preniez la tête du cortège.
Troisièmement, il vous faudra non seulement savoir regarder le Christ en tête, non seulement regarder la foule des compagnons avec lesquels vous marcherez et auxquels vous adapterez votre pas, mais il vous faudra surtout savoir regarder ceux qui sont au bord du chemin. C’est-à-dire tous ceux et celles qui ne sont pas dans la joyeuse procession à la suite du Christ, tous ceux et celles dont la vie s’est arrêtée et qui se sont laissé tomber à terre parce qu’ils n’en pouvaient plus, tous ceux et celles qui ne voient plus qu’obscurité et qui sont des blessés de la vie, physiquement, moralement ou spirituellement. Quel est le rôle des volontaires ou des disciples-missionnaires ? C’est de dire une parole de réconfort comme celle dite à Bartimée : « Confiance, lève-toi ». C’est de mettre les personnes en relation avec Jésus : « Va, il t’appelle ».
En tant que volontaires, à votre mesure, selon vos moyens, vous avez la mission d’être un pont entre ceux qui sont au bord du chemin et le Christ. Pour qu’ils puissent, eux aussi, comme Bartimée, se remettre debout, entrer en amitié avec le Christ en l’appelant avec affection « Rabbouni » (mon maître), et marcher avec joie à sa suite. Amen.
P. Vincent Sénéchal